Talk about littérature and linguistique. The blog is in French. On parle ici de littérature et de linguistique. Le blog est en français.
Wednesday, 30 July 2014
« A toi, pour toujours ta Marie-Lou » de Michel Tremblay ou la littérature du pays
Le courant de la littérature du pays est apparu au Québec dans les années soixante. Celle-ci revendique l’identité nationale des Canadiens français. L’une des figures marquantes au théâtre de ce courant est Michel Tremblay. Il a écrit en autre la pièce « A toi, pour toujours ta Marie-Lou » qui traite d’un drame familial dans une famille québécoise. Comme les caractéristiques de ce courant nous l’indiquent, il y a un mélange des genres littéraires. On peut voir cette caractéristique dans la pièce de Michel Tremblay. Alors, comment cette œuvre peut-elle être forte et sérieuse avec un mélange des genres? La réponse réside dans le fait que la pièce a des caractéristiques de la tragédie et du drame.
La pièce a en effet des caractéristiques de la tragédie. Comme on peut le voir dans la tragédie, la pièce de Tremblay semble découpée en cinq actes. Par contre, la pièce n’est pas découpée clairement en cinq actes. On peut y noter une ouverture, soit le premier acte avec la scène du début qui nous avertit que quelque chose s’est passé « Aie, ça fait déjà dix ans… » . Ensuite vient le nœud de la pièce ou le deuxième acte avec la révélation du viol « Comme les trois autres fois que tu m’as violée dans ma vie, tu m’as faite un p’tit, Léopold! » Puis, il y a les péripéties ou le troisième acte avec la complexité d’avoir un autre enfant « Oùsqu’on va le mettre? Oùsqu’on va le mettre, hein? », et les crises de Léopold « Tu fais pas juste te fâcher, Léopold… Tu fais des vraies crises, essaye pas de te le cacher… » Vient ensuite la catastrophe ou le quatrième acte avec les aveux de Marie-Louise « Ben oui, ça veut dire que j’arais jamais dû me marier, ça, tout le monde le sait » et de Manon « Carmen, popa y s’est tué, pis y’a tué maman pis Roger » . Finalement le dénouement avec l’invitation de Léopold à Marie-Louise au suicide « Viens-tu faire un tour de machine, avec moé, à soir, Marie-Lou? » Nous pouvons conclure que la pièce comporte cinq actes par le fait qu’elle contient toutes ces parties énumérées, mais qu’il y a une modernisation du grand genre par le fait que les actes ne soient pas séparés clairement. Par contre, on comprend le changement d’acte par les didascalies qui indiquent le changement d’éclairage. De plus, dans la pièce nous avons l’élément des trois unités qui est respecté. Il y a le respect du lieu unique qui est décrit dans la première didascalie. Le lieu est fixe et ne changera pas durant la pièce. L’unité de temps est respectée, car la pièce se passe dans une journée, les retours en arrière sont des souvenirs qui se rapportent à la conversation dite à cette journée qui se passe dans la cuisine en 1971. L’unité d’action est aussi respectée, car la pièce entière tourne autour d'un drame qui s’est passé en 1961. Puis, comment sont venus les personnages à un tel drame, soit les décès de Léopold, Marie-Louise et Roger. Il est clair que la règle des trois unités n’est pas coupée au couteau à cause des retours en arrière des souvenirs ou le fait qu’il y ait deux époques en même temps sur la scène. Mais le fait que la scène principale se passe en une journée et que le reste soit des souvenirs du passé cela respecte les trois unités et crée une certaine modernisation de la tragédie. Alors, en ayant des caractéristiques de la tragédie, mais de façon modernisée, donne une valeur forte et sérieuse à cette pièce.
La pièce a également des caractéristiques du drame. Comme on peut le voir dans le drame, la pièce de Tremblay comporte des scènes de groupe. En fait, la pièce entière est basée sur des scènes de groupe « Les personnages ne bougent jamais et ne se regardent jamais. Ils regardent droit devant eux. Marie-Louise et Léopold ne se regarderont que pour les deux dernières répliques de la pièce. » Ces scènes de groupe particulières sont caractérisées par le polylogue. En fait, on peut y lire des dialogues sourds « Marie-Louise. J’s’rais-tu ben… Léopold. J’ai rien à dire au monde, moé…rien. Marie-Louise. J’s’rais-tu ben, dans mon coin, avec mon tricot… » et des faux dialogues :
Carmen. Moé chus sûre que si t’avais suivi mes conseils… Manon. Si j’avais suivi tes conseils, j’s’rai rendue comme toé, aujourd’hui! Marci ben! Carmen. Laisse-moé donc parler, s’tie! Manon. Pi tu sacres par-dessus le marché! Carmen. Tu me laisses jamais dire deux mots sans m’arrêter! J’t’ai jamais demandé de faire comme moé, t’sais!
De plus en ayant des scènes de groupes on peut y lire des stichomythies « Marie-Louise. Demain… Carmen. Aïe… Léopold. Ouais… Manon. Pis… Marie-Louise. Demain… Carmen. Aïe… Léopold. Ouais… Manon. Pis… » qui sert à intensifier l’émotion de la pièce. En ayant une stichomythie en début de pièce, cela nous montre qu’il y a un malaise qui s’installe dès le début dans la pièce, qu’il y a quelque chose qui cloche. Avoir de tels dialogues contribue à la théâtralité du texte et avoir de telles scènes contribue à la tonalité dramatique de l’oeuvre. De plus, dans la pièce nous retrouvons des thématiques que le drame peut aborder comme des émotions négatives telles que la peur ou la haine. On peut y voir des répliques qui montre la peur « Ben non, ben non, y se battent pas… Y font juste se chicaner… » le modalisateur « ben non » répéter deux fois nous montre que l’enfant a peur et qu’il essaie de se rassurer. Ou des didascalies qui montrent qui montre la haine « Marie-Louise (regardant Léopold pour la première fois) Léopold […] tu pourras jamais savoir comment j’t’hais! » La didascalie nous montre que la réplique qui va suivre est un point culminant de la pièce parce que Marie-Louise, comme tous les autres personnages, ne regarde aucun autre personnage. Le fait qu’il se regarde cela montre l’importance de la réplique dans la pièce. On peut alors affirmer avec certitude que la haine est l’un des principaux thèmes. On voit même des malaises de sa propre identité dans un monologue de Léopold qui se questionne sur sa propre identité. Ce monologue illustre le concept du double destinataire soit par le fait que Léopold se parle à lui-même et que le public soit le deuxième destinataire. Cela nous signale que le théâtre est fait de convention ce qui donne de l’emphase au fait que cette pièce est sérieuse et forte. De plus, la réplique de Marie-Louise qui attire l’attention du spectateur à elle seule lui permet de se distinguer dans la pièce :
Ma mère, a m’avait dit : « Je le sais pas si c’est un garçon pour toé, je le sais pas… Y’a des drôle d’yeux! Chez nous, à’campagne, j’t’aurais pas laissée le marier, mais icitte, en ville, t’en as rencontré ben, tu dois savoir c’que tu veux » (silence) « Tu dois savoir c’que tu veux… » Ah! Oui, c’est vrai j’le savais, au fond c’que j’voulais : partir au plus sacrant d’la maison… Y’avait assez de monde dans c’te maison-là. Pis c’était assez pauvre que… J’avais honte! J’voulais m’en aller, essayer de respirer, un pue! C’est vrai que j’en avais rencontré ben, des garçons… Mais lui, y’était plus fin que les autres, pis j’pensais qu’y me ferait juste changer de maison, pis que la nouvelle s’rait juste plus vide…plus propre…pis plus tranquille… J’savais à peine qu’y faudrait que j’me laisse faire par mon mari… Ma mère… Ah! J’y en voudrai toute ma vie de pas m’en avoir dit plus Ma mère, a’m’avait juste dit : « Quand ton mari va s’approcher de toé, raidis-toié pis ferme les yeux! [...] Mais c’est pas à mon âge qu’on peut r’gretter ces affaires-là…
Cette tirade nous montre un état de crise et un malaise identitaire que vit Marie-Louise dans la pièce. Le fait d’avoir une telle thématique nous réfère également à la tragédie, car on assiste à une catharsis des émotions négatives. En ayant une telle catharsis dans la pièce, cela rend la pièce plus crédible et vraisemblable. Ce qui peut provoquer des réflexions chez le spectateur comme le faisait la tragédie.
La présence de personnage à caractère dramatique aide à ce que l’œuvre soit caractérisée par le drame. La présence des personnages de Carmen et de Manon qui nous montre qu’il y a dualisme. Soit par le fait d’être libre ou d’être prisonnier. On peut lire dans le texte que Carmen essaie de se convaincre sa sœur d’être libre et de vivre sa vie plutôt que d’être prisonnière du passé «Carmen. Y faudrait que tu comprennes qu’y’est temps que tu sacres ton chapelet à terre, que tu mettre la clef dans’porte, pis que tu te vides la tête de tout ça! Révolte-toé, Manon, c’est tout c’qu’y te reste! » . Le dualisme, soit qu’il ait seulement deux issues dans cet univers, donne au personnage une tonalité dramatique. De plus, le fait d’avoir le personnage de Carmen qui représente un idéal de pureté féminin « Une fois, quand on était p’tites pis qu’on se faisait encore des confidences, j’t’ai demandé c’que tu f’rais quand tu s’rais grande… Te rappelles-tu de c’que tu m’as répondu? « Quand j’vas être grande, j’veux être ben ben malheureuse, pis mourir martyre! » entre dans la catégorie des personnages du drame. Donc en ayant de telles caractéristiques du drame nous prouve que l’œuvre est forte et sérieuse.
En ayant des caractéristiques d’appartenance générique du théâtre tragique et du théâtre dramatique, on assiste à une hybridité générique. En ayant la combinaison de ces deux genres, on voit que la pièce de Michel Tremblay est forte et sérieuse. C’est en effet l’une des forces de la littérature du pays de mélanger des genres littéraires. Comme la littérature du pays est pour revendiquer l’identité nationale, il n’est pas surprenant qu’il faille recourir à des œuvres sérieuses et fortes pour qu’elle soit prise au sérieux. On peut voir ce phénomène chez d’autres artistes québécois tels que Gilles Vigneault où son écriture est forte et sérieuse pour revendiquer l’identité nationale des Québécois. En faisant ces revendications, la communauté culturelle a aidé à la conservation de la langue française, de la culture et du patrimoine et ainsi être maitre chez soi.
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment